Qui a caché 50 milliards de barils?

5 juillet 2008

Plus le temps passe et moins je crois que les spéculateurs sont responsables de la hausse des prix du baril de pétrole. Pour comprendre la spéculation, il faut saisir la mécanique des contrats à termes ou “futures”. C’est un engagement de livraison de marchandise dans le futur… à des conditions négociées MAINTENANT. Pour “jouer” sur le parquet du pétrole BRUT, on fixe dans le calendrier une date de livraison des stocks. Ce n’est pas que du papier. Il est vrai qu’en 5 ans, la valeur des investissements dans les “commodités” est passée de 13 à 246 milliards US. Au NYMEX, si des demandes dépassent les offres, les prix montent. C’est aussi simple que ça!

oil futures

Personne, pas même les multimilliardaires de la planète ne va stocker les barils de pétrole qui font l’objet de la surenchère. On entend toutes sortes de conneries et d’hurluberlus parler à travers leurs chapeaux depuis des mois. Selon les comiques du Canal Argent, le baril serait surévalué de 20%, de 40% ou mieux de 60%! Je me suis insurgé avec eux. Maintenant, je trouve ces montées de lait ridicules.

L’histoire des Hunt

Je vais certainement me faire lancer des claques par la tête, car il est très populaire de mépriser les spéculateurs. Dire le contraire, relève de l’hérésie. Comprenez-moi bien, les spéculateurs causent de grands dommages à l’économie et ils m’emmerdent. Mais dans le cas de l’énergie, les tenir comme grands responsables est une baliverne. Revenons à nos contrats à termes.  William et Nelson Hunt étaient de célèbres spéculateurs de lingots d’argent. Dans les années 70, ils ont sciemment manipulé les prix de ce métal. Les Hunt ont fait passer le lingot de 5 à 54$ l’once. En 1973-74, ils ont liquidé leurs positions et l’once est retombée à 10$. Est-ce qu’on assistera au même phénomène? NON.

A l’époque, les Hunt avaient stocké 200 millions d’onces en Suisse dans les voûtes des banques Credit Suisse et de L’UBS. Pendant un moment, ils possédaient 50% des réserves mondiales. Leur tour de passe-passe a fonctionné, car, ils ont pris livraison de la marchandise et ont patienté. Il faut dire qu’une once d’argent est plus facile à cacher qu’un baril de pétrole. Les fonds de pension, les traders, les hedge funds et autres n’achètent pas de pétrole. Ils achètent des contrats sur la valeur future, et le revendent avant la date de livraison. Celui qui prendra livraison est celui pour qui le prix fait l’affaire. Le spéculateur n’a donc pas réellement manipulé ou influencé le prix, il a gagé. En 2005, alors que le baril était à 57$, les spéculateurs ont fait une action concertée. Ils ont gagé massivement que le baril baisserait. En 2006, il atteignait 61$. Ils ont perdu la différence. L’influence sur le prix se joue donc sur les stocks tangibles.

Severin Borenstein, économiste et directeur de l’institut de l’énergie de l’université de Berkeley a calculé que si les spéculateurs étaient responsables de 30% du dépassement du prix de baril par rapport au prix réel du marché, il faudrait qu’ils aient stocké 2,5 millions de barils de pétrole par jour !  Depuis 5 ans, plus de 45 milliards de barils se seraient accumulés quelques parts! On les aurait peut-être aperçus! En une seule année de spéculation, on se retrouverait avec plus de barils que la réserve stratégique américaine. Alors qui donc, contrôle les prix et peut se permettre de spéculer et de STOCKER pareil quantité? Comprenons que le complot spéculatif mondial n’est pas sérieux. Désolé.

Les pays qui connaissent une croissance fulgurante de leur classe moyenne (Chine, Inde, Brésil, Russie…) commandent maintenant des quantités spectaculaires de pétrole, en prennent réellement livraison et ils le brûle. Les Fonds Souverains achètent aussi réellement des actifs, mais ce sont surtout des actions de compagnies pétrolières. C’est pas ce qui fait monter les prix du brut.

Qu’est-ce qui fera alors baisser les prix?

Un changement des habitudes de consommations des occidentaux est probablement la seule arme disponible dans la lutte contre la hausse des prix. Le jeu de l’offre et de la demande est difficile à saboter.

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Par Fabien Major

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