Le petit magot de Norbourg

3 juillet 2009

Les dernières révélations sur l’incurie de l’AMF indigne la population québécoise mais, davantage les victimes de Lacroix. Les autorités ont été avisées à plusieurs reprises que chez Norbourg, on faisait du blanchiment d’argent et que le président se servait des fonds comme tire-lire personnelle. A lire le scoop de Finance et Investissement, on se demande si à l’époque, certains n’ont pas été payé pour se boucher les yeux et les oreilles! Peut-on être aussi incompétents innocemment?

Au moment où Vincent recouvre sa liberté, on se demande bien s’il n’ira pas se précipiter aux trousses de son magot.  Mais en a-t’il vraiment un ? L’an passé à pareille date,  j’ai publié dans ce blogue mon analyse sur le supposé Jackpot caché de Vincent Lacroix. Je vous présente ce texte à nouveau, d’abord parce qu’il est encore dans l’actualité et secondo, j’y ai travaillé fort et je pense que vous avez manqué de le lire! Depuis longtemps, j’ai ma petite idée à propos de la cachette des actifs restants de Norbourg. Bien, c’est aujourd’hui que je me commets. D’entrée de jeu, je vous l’avoue, je ne crois pas que le magot soit tellement volumineux. Il est modeste et de plus, une partie serait irrécupérable. Pauvre Vinny!

Avant d’aller dans le vif du sujet, il convient que je vous avoue que la majorité des dépenses s’expliquent. On l’a su, des millions ont été flambés pour alimenter le train de vie princier de Vinny. L’analyse des déboursés et transferts douteux de Lacroix prouve qu’il a eu beaucoup de plaisir. Loge au Centre Bell:191 000$ par an, 29 000$ chez Paré, 233 000$ au restaurant le grand Café, 47 000$ au bar de danseuses Embassy de Suisse, 78 000$ à madame Rosita Ivanovna (du même bar), location de Lear Jet pour les vacances, collier de diamants de 30 000$ à la légitime… etc

Dans mon tableau ici joint, vous verrez la ventilation compilée par l’AMF. Elle est agrémentée de mes conclusions. Lesquelles sont toutes documentées et liés à des sources journalistiques ou provenant des autorités et du syndic. Ajoutons que j’ai été un conseiller et cadre de Teraxis avant son achat par Norbourg. J’ai ainsi déjà rencontré Lacroix à deux reprises et côtoyé régulièrement des conseillers et des victimes du personnage.

Des sommes récupérables

Il m’apparaît assez probable que la majorité des investisseurs lésés puissent récupérer la presque totalité de leurs économies. Suivez-moi. 115 millions ont été détournés des fonds. Une bonne portion des sommes a été injectée dans les opérations de Norbourg et perdue en salaires, frais de bureau et caprices du roi. Une autre partie importante a servi a acheter des demeures aux proches et complices. La valeur de ces biens ne peut être estimée qu’à la hausse. Aux fins de l’exercice, je les estimerais seulement au coût d’acquisition, car des frais de syndic, entretien et courtage immobilier pourraient en diminuer le profit. Plus de 12 millions seront ainsi récupérés.

La plus belle surprise se trouve du côté des investissements. Lacroix a effectué quelques placements non conformes aux mandats de ses fonds. Parmi ceux-ci se trouvent Planure, Hockey Sport DLL, Zip Jeans, le Grand Café…et Dianor! Ernst & Young a réussi à en soutirer 12 millions de dollars et un autre gain important n’est pas écarté. 8% de l’actif de cette exploratrice diamantifère est sous son contrôle (10,5 millions d’actions). À 27 cents l’action, il reste donc au moins 2,8 millions $ en réserve. J’estime à 20 millions la somme récupérable des divers placements.

Peu avant la déconfiture de Norbourg, sous les bons conseils du fonctionnaire Jean Renaud, Lacroix a fait une déclaration d’impôt volontaire de 28 millions et 10,8 millions ont été versés d’avance. Le gouvernement du Québec a déjà annoncé que les sommes en jeu seront retournées aux investisseurs.

Ajoutons ensuite les prêts, achats de clientèles et prêts aux conseillers financiers qui “encourageaient” la famille Norbourg. L’AMF a déjà les noms et coordonnées de différents prestataires de ses remerciements pour “services rendus”. Dans la plupart des cas, les conseillers qui ont cédé leur clientèle l’ont fait à des conditions défiant toutes logiques parfois à des prix dépassant de 25 à 200%, les sommes couramment offertes par le marché. Je connais même un conseiller de la région de Québec qui a vendu sa clientèle 250 000$ à Lacroix, le 24 août 2005. Ils devaient passer chez le notaire le 25, mais la descente policière a fait avorter la vente. Le conseiller a conservé le montant ET sa clientèle. Pour ses nombreux cas “DOUTEUX” j’estime que le syndic peut en récupérer aisément près de la moitié, soit 4 millions.

La CDP et Desjardins doivent rembourser 13 millions

En relisant les nombreux reportages sur la vente de Teraxis et des fonds Evolution on s’aperçoit qu’elle a été réglée en accéléré. Après le refus des offres de Dundee et de Standard Life, en 2003, Teraxis a négocié avec Norbourg. Le magazine spécialisé Conseiller a révélé dans son édition de juin 2006 que les délais normaux ont été raccourcis suite aux interventions politiques des dirigeants. Le rôle de l’ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Jean-Claude Scraire est pour le moins nébuleux. Parmi les paiements à des consultants, le syndic a retrouvé des versements de 43 000$ à sa firme JCS Stratégies sans justification…. Il est aussi de notoriété publique que monsieur Scraire s’apprêtait à devenir membre du conseil d’administration de Norbourg. Ces faits et quelques autres m’amènent à penser que la CDP se doit de rembourser aux investisseurs le fruit de la vente de Teraxis et des fonds Evolution, soit 10,4 millions. Tant qu’une enquête démontrant hors de tout doute qu’aucun conflit d’intérêt ou influence politique n’a facilité la vente à Norbourg, les apparences jouent à l’encontre de la CDP.

Bien des investisseurs frileux ont été convaincus de faire confiance à Norbourg, car la Caisse de Dépôt lui a confié les clefs. Après tout, il est de la famille, il est un ancien employé. Ensuite, Lacroix confiait régulièrement être gestionnaire pour une division du Mouvement Desjardins. C’était vrai. Il a été démontré et précisé par Vincent Lacroixlui-même que le placement de la division Opvest de Desjardins dans l’administration de Norbourg a été dilapidé ou perdu dans des mauvais paris financiers. En 2004, devant le flot de rumeurs inquiétantes jumelé à la vantardise de Lacroix sur son contrat avec Desjardins (censé être confidentiel), Opvest a racheté son investissement. Lacroix y a ajouté 2,8 millions de façon purement arbitraire, comme paiement d’intérêt. Desjardins refuse de rendre les 22,8 millions. Elle n’est pas un organisme de charité prétend t’elle. Non, mais elle a servie de caution morale et comme mouvement coopératif et d’entraide voilà une belle occasion de valider leur slogan pompeux “ceci n’est pas une banque”. Qu’elle reprenne ses 20 millions, on peut comprendre à la limite… mais les intérêts “fictifs de 2,8 millions sont totalement injustifiables et doivent être remboursés!

Bref, le total des sommes récupérables est important, sur le déficit de 115 millions, 75 millions peuvent être recouvrés. 31 millions ont déjà été pigés dans les poches de tous les conseillers financiers de la provinces par le fonds d’indemnisation. L’AMF branle donc dans le manche pour 9 millions! Avec la quantité de poursuites et la qualité de la preuve, elle récoltera au moins 5 fois ce montant! On comprend que si le gouvernement du Québec injecte les sommes manquantes, l’AMF pourra rembourser d’ici 36 à 60 mois.

Les pistes du petit magot

La juricomptable Guylaine Leclerc a été la première a parlé de blanchiment d’argent dans le cas de Norbourg. Lors du procès de Vincent Lacroix, madame Leclerc a démontré avec aplomb que les 26 comptes de banque utilisés par des transactions sans queue ni tête ne servaient qu’à noyer les traces et ramener ensuite l’argent dans l’entreprise ou dans les poches du dirigeant pour prendre des airs légitimes. Contrairement aux cas habituels, les paradis fiscaux ont passablement été épargnés dans ses stratagèmes. Mais, la volonté de brouiller les pistes est facilement identifiée. En a t’il conservé ou caché quelques parts? Sans doute, mais après avoir juxtaposé plusieurs pièces du casse-tête, j’en conclus qu’il en reste moins qu’on serait porté de le penser.

Au début des années 2000, Norbourg a eu des activités en Suisse. Ses nombreux voyages faisant foi de son ambition à y établir une filiale européenne. Lacroix a été administrateur de Cybel et de Eurobourg. Il a été de ceux qui ont conseillé le fonds de retraite des enseignants du comté de Valais (CRPE). On a pointé du doigt sa mauvaise gestion responsable en partie de la fonte de 112 millions de francs suisses. Des commissions secrètes ont finalement été mises au jour et des Québécois ont défilé dans la presse locale. Le tout s’est terminé en queue de poisson et a terni la réputation de Norbourg en sol helvète. En 2005, ils n’ont eu autre choix que de fermer les portes.

On a retrouvé la trace de deux dépôts totalisant 200 000$ versé à la Banque cantonale de Fribourg. Pas de quoi faire une retraite de pacha.

Dans toute l’analyse de l’AMF, il y a 3 postes dans lesquels je considère que Lacroix a pu se servir pour “expatrier” un magot. Les déboursés divers qui totalisent 6,8 millions, les dépôts dans des comptes en fiducies d’avocats et de notaires:4 millions et le plus suspect, les versements faits à des bénéficiaires inconnus : 5,4 millions. On est donc devant un “possible” jackpot de plus de 16 millions. Je crois personnellement que la vérité se situe quelque part au centre. 8 millions…ont peut-être été dirigés en Suisse ou aux Bahamas… ou mieux, sagement investis dans une banque canadienne!

Parmi les consultants “suspicieux”, on trouve Martin Tremblay de Dominion Investments. 534 000$ ont été versés à sa firme pour de la recherche et du développement d’affaires!!! Ça fait cher les interurbains! Tremblay croupit dans une prison américaine pour une affaire de blanchiment d’argent. Donc, il sera difficile de faire des retraits. Autre anomalie, le 26 mai 2005, 2 millions sont passés de Northern Trust à Norbourg International puis dans le compte en fiducie de l’avocat Robert Hindle. Me Hindle dit avoir transféré la somme dans des fonds des Bahamas (identifié plus tard comme appartenant à Ivest et Focus) sur les ordres de Lacroix. Affirmation niée par le principal intéressé. Le plus drôle? Si les 2 millions y ont été transférés, la mine déconfite de Lacroix s’explique, car à ses accusations criminelles s’ajoutent, le fait que ces fonds offshore viennent de planter, l’actif s’est évaporé et …les administrateurs en fuite.

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Par Fabien Major

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