Hypothèse Chagnon vs Théorie moderne de Markowitz

21 octobre 2010

Ce n’est pas parce qu’on vaut des milliards qu’on gère judicieusement! LaPresse nous apprend que la fondation Lucie et André Chagnon a perdu 400 millions avec la débâcle des marchés. Comment un fonds de charité de type perpétuel peut-il baisser à ce point? L’explication vient de la concentration dans un nombre limité d’actifs. Le fonds de la famille contient 70% d’actions. Claude Chagnon a expliqué à la Presse être conscient de la grande volatilité de leurs investissements, mais il explique que les experts s’entendent pour dire qu’à long terme, les actions en bourse surclassent en rendement les autres classes d’actifs. Au fait, parle t’-on des mêmes experts qui leur avaient suggéré d’investir dans les fonds de couverture Lancer et ceux de Norshield?

Donc, nous disions que Claude Chagnon considère que les actions sont beaucoup plus payantes à long terme. Vérifions.

Si on n’utilise que de la gestion indicielle, on peut croire que oui, mais…. rare sont ceux qui dépassent les rendements des indices sur le long terme. Mais, il y s’en trouve. Sur 25 ans, l’indice canadien composé a procuré en rendement total un beau 9,1%. Il a été devancé par quelques bons fonds communs dont le Dynamique Valeur Canadienne qui a rapporté pour la même période 10% NET à ses porteurs de parts.

Pour ce qui est des placements plus conservateurs que sont les obligations, elles sont quand même très payantes! L’indice Morningstar de revenu fixe affiche un très reluisant 7,5% de moyenne annuelle. Parmi les gestionnaires qui dépassent cette performance, on trouve PH&N Obligation D. Un portefeuille ne contenant AUCUNE action et qui a su fournir 9% de rendement moyen chaque année. Son niveau de risque exprimé en écart-type est de 3,9 contre 20,5 pour le TSX. Mais avec un tel niveau de risque…. le TSX procure 9,1 versus 9,0%!!!! Ce n’est pas un avantage très significatif, ça!

Et que se passe-t’il si on fait une combinaison de 50% en actions et 50% en obligations? Curieusement on va augmenter le rendement de l’ensemble et diminuer le risque par rapport au portefeuille ne contenant que des actions. C’est là, le fondement de la théorie moderne de portefeuille de Markowitz. L’indice Morningtar Équilibré 50/50 a procuré un rendement NET de 9,2 avec un écart-type de 15,8.
Claude Chagnon a rappelé à André Dubuc de LaPresse que leur «objectif n’est pas de protéger le capital, mais de prévenir la pauvreté»… C’est avec ce genre de commentaire qui je me réjouis de voir que fiston n’est plus à la haute direction d’une grande entreprise ou du ministère de la Santé et des Affaires sociales!

En jonglant avec des milliards, les résultats sont spectaculaires! Si on avait placé 1 milliard $ en 1985 dans l’indice TSX et un autre dans l’indice équilibré 50/50. 25 ans plus tard, je récolte 8,58 milliards avec le TSX et 8,79 milliards avec le compte équilibré. Ça représente tout de même 210 millions de plus pour les pauvres! Le plus incroyable de l’exercice est la domination du portefeuille équilibré durant toute la période. Ce n’est qu’en 2007, au point culminant de la gigantesque bulle spéculative immobilière que le portefeuille 100% actions a rattrapé l’équilibré sans jamais le devancer.

Clairement, les faits démontrent que sur les 25 dernières années, l’apport des obligations dans un portefeuille permet d’augmenter le rendement, tout en diminuant le risque!

J’ai été très étonné de constater que la Fondation Chagnon ne s’offusquait pas d’entamer son capital ni de vivre avec un niveau de risque insupportable pour la plupart des investisseurs, même chez les ultrariches. Après tout, les gens d’affaires comme les Chagnon ont pris des risques importants toutes leurs vies en investissant massivement dans leur entreprise. Une fois retraités et récompensés, les gens d’affaires que je côtoie décélèrent et exigent de restreindre la volatilité de leur portefeuille. Parfois, Il ne désirent que des placements conservateurs et sans risque. 5% d’un milliard à vie permet de se la couler douce… perpétuellement!

Assise sur une montagne de 1,3 milliard, la fondation PEUT protéger son capital et réaliser des versements substantiels à des bonnes oeuvres. On peut faire les deux avec une bonne politique de placement. Ce qui ne semble pas le cas. Les Chagnon ne sont peut-être pas très bien entourés. Soit qu’ils s’entêtent à jouer aux petits alchimistes ou soit qu’ils écoutent un peu trop les gérants d’estrade et les beaux-frères ingénieurs. Remarquez, il y a aussi de plus grandes fondations avec de plus grands paradoxes, comme la fondation Bill et Melinda Gates!

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Par Fabien Major

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