Il est temps que l’AMF s’intéresse aux fonds éthiques

28 octobre 2011
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Lundi dernier à l’émission «L’après-midi porte conseil» de Dominique Poirier sur la Première Chaîne de Radio-Canada, j’ai présenté la face cachée des fonds éthiques. Ils sont loin de ressembler à ce que les investisseurs croient s’être procuré.

La plupart des fonds éthiques ou socialement responsables n’ont pas de dent ni de couille. Il y a quelques exceptions, mais la plupart sont des outils de marketing qui aident à avoir bonne conscience. Je préfère les appeler les Cheerleaders de la finance. La plupart agitent des pompons sans impact significatif. Rarement un investisseur obtient ce qu’il croit acheter. Le consommateur allergique aux arachides… ne veut pas de traces d’arachides. Avec les investissements socialement responsables… garder votre «Epipen» à portée!

Comme vous, j’observe que les valeurs évoluent rapidement. Il y a les valeurs solidement ancrées. Ainsi, le  public ne VEUT PAS encourager…

  • Les industries polluantes
  • Le nucléaire
  • Les sociétés impliquées dans l’armement
  • Les jeux de hasard
  • Le tabac
  • Mauvais traitements aux enfants et iniquités sociales ou basées sur le sexe

Puis, on remarque de nouvelles préoccupations et valeurs

-Non aux bonis et salaires disproportionnés des hauts dirigeants
-Non, aux sociétés actives dans la spéculation (particulièrement alimentaire, énergie, devises…)
-On ne veut pas encourager les sociétés qui ne paient pas leurs justes parts d’impôts (comme General Electric)
-Non, aux Paradis fiscaux et stratagèmes qui permettent d’exporter les profits et d’importer les déficits.

Celles-ci ne font malheureusement pas partie des filtres des fonds supposément éthiques.

Les paradoxes et contradictions abondent

Voici des exemples flagrants de l’élasticité des valeurs des fonds éthiques, verts, ou socialement responsables:

1-Non à l’industrie des Jeux de Hasard: Qui contrôle le jeu au Canada? Les provinces! Voit-on des fonds exclurent les obligations d’épargnes du Québec parce que le gouvernement encourage le jeu avec ses casinos?

2-Michael Jantzi est un des pionniers de l’investissement responsable au Canada. Il est l’un des consultants les plus connus et à l’origine des indices Jantzi. La Banque Royale et les fonds Méritas se fondent sur ses indices pour établir le contenu de leurs fonds socialement responsables. Récemment sur la page d’accueil de son site web Sustainalytics.com il était écrit en toutes lettres: «En Avril 2011, les chercheurs de l’Université Cornell ont déterminé que les techniques de fractionnement du schiste pour en extraire le gaz, auront une empreinte de carbone supérieure au pétrole, au charbon et au gaz conventionnel, et ce, pour au moins 20 ans. Aujourd’hui 28 octobre, l’indice Jantzi canadien contient encore des entreprises impliquées dans le gaz de schiste.

3-Il n’est pas le seul. Le fonds environnement Desjardins a des parts d’un des plus importants acteurs du gaz de schistes Talisman Energy et de la pétrolière Suncor exploitante de sables bitumineux.

4-Le Fonds de la FTQ se définit lui-même comme éthique. Pourtant dans ses actifs on trouve facilement des fonds spéculatifs (hedge funds) et des débentures d’institutions financières américaines en procès pour avoir saisi illégalement les maisons de certains de leurs clients. Avez-vous dit ÉTHIQUE?

5-Le fonds mensuel de dividendes et de revenu Meritas Déborde de mines, de pétrole de sables bitumineux. Il contient aussi de bonnes sociétés dont les administrateurs reçoivent ou un reçu des traitements de pacha: William Doyle, le président de Potash a reçu 320 millions en primes, bonus et salaire UNIQUEMENT pour 2007. Juste avant la débâcle de 2008, le chanceux! Trouvez-vous ça TRÈS éthique ou socialement responsable?

6-Un des plus vieux fonds Éthiques au Canada: Le fonds SUMMA du Groupe Investors a été créé en 1987. Dans les prospectus et documents publicitaires, on dit que ce fonds ne touchera pas aux sociétés liées à l’alcool, au tabac, aux jeux de hasard et à l’armement. On encourage les sociétés «progressistes» au niveau droit humain, saine gouvernance, environnement….

Côté rendement, ça ne fonctionne pas, mais pas du tout: Sur 10 ans, il a dégagé 0,9% annualisé contre 4,14% pour la moyenne des fonds canadiens et 7,95% pour l’indice. Il faut dire que son frais gourmand de 2,91% l’affecte solidement. Dans les principaux actifs du fonds Summa, on trouve Power Corp. Ce ne sera pas «éthique» d’exclure des actions de sa propre société mère dans un fonds qui privilégie la saine gouvernance? Se garder une petite gêne, est un minimum.

LES PRINCIPES DE L’ONU pour l’investissement responsable

Pourquoi les fonds dit ISR (Investissement socialement responsable) sont-ils aussi permissifs? La majorité suivent les critères que l’ONU a pondu en vitesse il y a quelques années. Comme ces normes sont vaporeuses, les fonds qui les suivent ne peuvent être plus restrictifs.

Page 4 de la brochure française de l’ONU:
«Les principes suggèrent et incitent. Ils ne présentent pas de caractère obligatoire. Au contraire, ses 6 principes fournissent un éventail d’actions possibles pour pouvoir incorporer les questions ESG (environnement, sociales et gouvernance) au processus décisionnel d’investissement et de pratiques relatives aux biens.»

Plus mou que ça, on lance une commission d’enquête édentée! Une patente de relation publique pour gérer la réputation d’une société de fonds ou d’une entreprise dont l’image est ternie ou est à risque.

Pour le public investisseur, la définition d’un fonds Éthique est carrément différente de celle d’un faiseur d’image comme les Jantzi, GIR et autres consultants de l’investissement responsable. Ce sont les nouveaux SpinDoctors de la finance.

Les critères qualitatifs de Jantzi sont très simples : Il applique la méthodologie « Meilleurs de leurs secteurs ». On compare des joueurs d’une industrie entre eux et on retient les plus impliqués dans leurs communautés,  saine gouvernance, bonne relation avec clients et consommateurs, environnement et droits humains. Que fait-on lorsque tout un secteur est polluant ou spéculatif? Rien. On garde les moins polluants des  polluants ou les spéculateurs qui ont le plus de bacs à recyclage!

Ils ont appris avec le temps que pour avoir le maximum de clients et d’honoraires, il ne faut pas appliquer de filtres négatifs, mais simplement SUGGÉRER des comportements. Le public est ensuite berné par un logo, une appellation ou un joli terme comme Socialement Responsable, Saine Gouvernance ou Environnement.

Mais comment investir selon ses valeurs?

L’AMF devrait introduire un questionnaire SPÉCIFIQUE à cet industrie qui selon moi, trompe le public. Investissement à l’image responsable ou Investissement à la gestion imputable? Il est même temps que des cabinets d’avocats spécialistes en recours collectifs s’intéressent à ces fausses promesses.

Les investisseurs ont RAREMENT ce qu’ils souhaitent! Je crois que c’est compliqué pour rien. Heureusement, le public lit davantage les étiquettes et prospectus. Le marché puni rapidement les entreprises délinquantes. Il y a les lois et règles de chaque pays et surtout le jugement impitoyable du marché et de l’impact médiatique. Les réseaux sociaux sont aussi très utiles pour tourner les projecteurs vers les stratagèmes de marketing qui prennent le public pour des crétins.

Les gestionnaires institutionnels et de fonds communs n’apprécient jamais, les sociétés aux moeurs douteuses, exposées à des scandales ou sous enquête par les médias. Ça cause beaucoup de dommage aux actions. Je fais davantage confiance aux excellents gestionnaires de fonds communs qui n’ont pas besoin de l’étiquette «éthique» pour rendre des comptes. A long terme, les sociétés performantes sont souvent les mieux gérées pas besoin de mettre des «logos» bidons!

Au départ, je crois que l’intention de ces fonds était louable, mais l’appât du gain rapide à créer des assouplissements dans les normes. Celles-ci sont devenus tellement poreuses que c’en est devenu une farce! Les valeurs sont trop variables pour chaque individu. Ceux qui souhaitent faire des investissements éthiques doivent d’abord définir leurs valeurs. Choisir leurs propres critères d’exclusions ou principes directeurs et éplucher les états financiers des fonds intéressants ou de titres individuels.

Pour ceux qui ont des normes éthiques très strictes: Achetez des obligations d’épargnes de pays progressistes comme la Suède, des fonds d’énergie renouvelable comme le PowerShares Énergie Propre, des actions de compagnies de panneau solaire et d’éoliennes, de sociétés reconnues pour leurs activités philanthropiques.

Vous pouvez aussi simplement choisir les investissements les plus intéressants ET donnez à Développement et Paix, Oxfam ou le Refuge des jeunes de Montréal. Là, vous aurez un reçu d’impôt et vous serez mieux renseigné sur le chemin que prendront chacun de vos dollars.

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Par Fabien Major

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