Ottawa déséquilibre le marché immobilier sans s’occuper de l’endettement

22 juin 2012
Death by Taxes

Sous prétexte de vouloir réduire l’endettement des ménages, Ottawa s’attaque à l’accès à la propriété. Pourtant, les dettes coûteuses et récurrentes des ménages se trouvent du côté des cartes de crédit et de grands magasins. Encore aujourd’hui, on peut s’étouffer avec des dizaines de cartes portant jusqu’à 30% d’intérêt alors que le taux directeur n’est que de 1%. Les obligations de paiement minimum des cartes des familles endettées dépassent presque toujours le versement hypothécaire. Cherchez l’erreur!

Hier le ministre Flaherty a lancé une bombe H dans le monde immobilier. Dès le 9 juillet, l’amortissement maximum d’une hypothèque assurée par la SCHL passera de 30 à 25 ans. Aussi, si vous devez refinancer votre propriété (par exemple pour consolider vos dettes et souffler un peu), le plafond passera de 85 à 80% de la valeur de la propriété. Il y a peu de temps, le ministre avait réduit ce plafond de 90 à 85%.

PAS LA BONNE CIBLE

J’ai interrogé à ce sujet, madame Sylvie Rousson du bureau métropolitain de Multi-Prêts Hypothèques. Elle considère qu’il y a du positif dans l’annonce du ministre, mais il est clair qu’on rate la cible. «S’il y a un problème d’endettement ou de surchauffe dans l’immobilier, ce n’est pas la SCHL le problème. Il faut que les gens achètent une propriété en fonction de leurs moyens et non en fonction du désir des banques de les qualifier au maximum. Elles ne cherchent qu’à  prêter le plus gros montant possible!»

Selon elle, Ottawa donne un coup de pied dans la balance. Graphique à l’appui, elle soutient que le marché immobilier était en état d’équilibre. L’offre et la demande se situant dans la même fourchette. En réformant l’assurance hypothécaire, on pousse artificiellement la balance du côté de l’acheteur ce qui entraînera inévitablement une baisse des prix des habitations. Pour nous illustrer la situation, elle nous a fait le calcul des versements hypothécaires d’un emprunt moyen de 190 000$ à 3,09% sur 5 ans amorti sur 25 ans VS 30 ans. Ils s’établissent maintenant à 907,96$ comparativement à 808,29$. 100$ par mois, c’est 1200$ par année. Une différence significative dans le budget d’un jeune ménage.

En réformant ainsi l’assurance hypothécaire Ottawa s’occupe de la surchauffe immobilière qui atteint quelques marchés canadiens précis, mais omet de s’attaquer à la véritablement préoccupation de la Banque du Canada: l’endettement des ménages. À 152%, le ratio des dettes sur le revenu disponible est devenu très inquiétant.

Cartes de crédit=Buffet à volontés

L’absence de réglementation entourant l’émission et les taux appliqués sur les cartes de crédit permettent encore à une serveuse ou un livreur de pizza gagnant 18 000$ par an de se doter sans problème de 20 000$ de marge sur ses cartes. Personnellement, j’ai déjà eu un client sans emploi et au prise à une dépression qui avait accepté TOUTES les offres de crédit qu’on lui a présenté. Un an plus tard, juste avant de faire faillite il avait pu faire plus de 120 000$ d’achats et d’avance de fonds.

Selon Statistiques Canada, « Entre 1982 et 2010, le montant des dettes hypothécaires est passé de 99 milliards de dollars à 994 milliards de dollars (en dollars courants), alors que le montant des dettes à la consommation est passé de 48 milliards de dollars à 460 milliards de dollars. Durant cette période, la proportion de chacun de ces types de dettes par rapport à la dette totale est demeurée relativement stable et la dette hypothécaire a représenté deux tiers de l’endettement total des ménages. » Il y a cependant un gros MAIS… Les taux hypothécaires sont liés à des actifs tangibles et n’ont cessé de diminuer. Les dettes de consommation (cartes de crédit et prêts « acheter maintenant et payer plus tard ») sont liés à des dépenses, et leurs taux sont pratiquement demeurés inchangés. Ils oscillent entre 18 et 30% par année.

On voit bien qu’Ottawa ne désire pas indisposer les grandes banques. Les changements annoncés sur l’assurance hypothécaire ne toucheront vraisemblablement pas à leur rentabilité.

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Par Fabien Major

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